Au cours des dernières décennies, la prise de conscience croissante des défis environnementaux auxquels notre planète est confrontée a amené de nombreuses industries à reconsidérer leurs pratiques. 

L’instrument de musique se trouve au cœur de ces questionnements qui se posent tout à la fois aux facteurs d’instruments de musique, à tous les professionnels qui les achètent, les revendent, en assurent l’entretien, de la maintenance à la haute restauration - mais également à chaque musicien - amateur ou professionnel. A la fois objet usuel et de culture, au cycle de vie pouvant atteindre plusieurs centaines d’années, il peut être pris comme exemple d’une utilisation durable des matériaux. Mais l’extrême durabilité et la permanence des traditions de fabrication sont aussi interrogées par un monde qui contraint de plus en plus fortement la fabrication des objets en tant que bien éphémère et source de consommation déraisonnable de la matière première, une pression particulièrement importante dans l'Union Européenne.

Concernant tout particulièrement la déforestation - et même si l’instrument de musique est plus victime que responsable de la dégradation des forêts - la facture instrumentale ne fait pas exception à cet éveil de conscience : une transition écologique est inévitable et urgente à mettre en place.

Un rôle qui peut sembler être une goutte d’eau dans l’océan mais qui peut se révéler bien plus influent

La quantité minime de bois utilisée dans la fabrication d'instruments de musique, en comparaison avec d'autres secteurs, limite la capacité d'une démarche de "zéro déforestation" entreprise par l'industrie instrumentale à avoir un impact significatif sur la réduction des dommages causés aux forêts dans leur ensemble. Cette démarche pourrait au mieux conférer une dimension vertueuse au secteur de l'industrie musicale, mais elle aurait peu d'effets concrets pour lutter contre la déforestation.

Il faut donc aller plus loin !

La voix des instruments de musique jouée par les musiciens doit se faire entendre

A défaut de pouvoir peser suffisamment sur la déforestation, et pour que la démarche du secteur de la musique ait une chance d'avoir une influence, elle doit être soutenue et relayée largement par tous les acteurs de la musique - et au premier plan par les artistes auteurs-compositeurs-musiciens - afin d'avoir un rayonnement bien plus large et d'être plus audible pour éveiller les consciences.

Les fabricants d’instruments de musique, les artistes et plus largement l'ensemble du secteur de la musique ont une double responsabilité vis-à-vis des forêts mais aussi un double pouvoir : être vertueux soi-même et convaincre les autres de le devenir.

Combattre la déforestation ne peut avoir un réel impact que si cette démarche s'articule au sein d'une vision globale de transition écologique qui vise l'ensemble de la chaîne de production de l'instrument de musique afin de répondre au maximum aux principes d'éco-conception.

La nécessité d'une transition écologique bien pensée

Cette transition vise à intégrer des pratiques durables dans la conception, la fabrication et la distribution des instruments de musique, afin de réduire au maximum leur empreinte carbone, de préserver les ressources naturelles et de promouvoir un avenir plus respectueux de l'environnement pour les générations futures.

La question de la durabilité - pour laquelle l’instrument de musique de bonne qualité fabriqué en Europe est assez exemplaire - doit être travaillée et mise en lumière alors qu’en France par exemple on estime que 98 % des instruments neufs achetés sont importés le plus souvent en provenance de Chine et d’Asie en général. Cela est aussi vrai pour les commandes publiques pour équiper les conservatoires et autres projets à l’école. C’est tout un travail autour du cycle de vie de l’instrument qui doit être engagé et sur la question de l’économie de l’usage et du réemploi.

En raison de la déforestation et de la surconsommation de bois précieux, de nombreuses essences d'arbres sont aujourd'hui menacées, voire en voie d'extinction. Cela a incité les gouvernements et les organismes internationaux (tel que la CITES) à imposer des réglementations plus strictes concernant le commerce et l'utilisation du bois, afin de préserver les écosystèmes forestiers et de protéger la biodiversité.

Au-delà et en amont des enjeux réglementaires, les espèces tropicales ne sont pas les seules à être menacées. Une espèce endémique et extrêmement répandue comme l'épicéa - indispensable pour toutes les familles d'instruments à cordes - subit les dégâts du changement climatique et se raréfie chaque année. C'est le cas également de plus en plus d'espèces de résineux et de feuillus.

Les bois mais pas seulement...

Les produits chimiques utilisés dans certains procédés de fabrication peuvent être néfastes pour l'environnement et la santé des utilisateurs et des travailleurs. L’Union Européenne est particulièrement engagée dans le contrôle et la prévention des risques liés à l’utilisation des produits chimiques. Les réglementations visent donc à limiter l'utilisation de substances dangereuses et à encourager l'adoption de solutions plus respectueuses de l'environnement. Qu’elles concernent la lutte contre la déforestation, ou la régulation de l'utilisation des produits chimiques, ces réglementations sont pensées en premier lieu pour les grandes industries. Elles se révèlent donc souvent compliquées à mettre en place voire mal adaptées à la réalité de notre secteur composé de quelques entreprises de taille intermédiaire et d’une myriade d’entreprises artisanales de (très) petite taille.

Ces instances invitent donc la facture instrumentale afin qu'elle prenne toute sa place comme acteur engagé de la transition écologique et qu'un travail conjoint puisse voir le jour au sujet des pratiques du secteur et également pour permettre que l'ensemble des entreprises soient en mesure d'appliquer les modalités prévues par les réglementations.

Agir pour ne plus subir !

Face à la déforestation et aux pressions réglementaires croissantes, le secteur industriel et artisanal des instruments de musique n'a pas d'autre issue que de repenser ses méthodes de production. La mise en place d'une démarche de transition écologique devient donc incontournable pour tenter de garantir la pérennité de ce secteur en Union Européenne et assurer un avenir harmonieux entre la musique et la préservation de l'environnement.

En adoptant des pratiques de récolte des bois, de fabrication et de distribution plus responsables, les fabricants d'instruments - s'ils sont soutenus par l'ensemble du secteur de la musique - peuvent non seulement se préparer et se conformer aux réglementations en vigueur et à venir, mais aussi jouer un rôle actif dans la protection de notre planète.